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Filmreihe

 
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RIRE AUX LARMES

Französische Krimikomödien


Krimi-Komödien haben in Frankreich Tradition. Burlesk, leichtfüssig oder als Farce führen sie uns allzu menschliche Unzulänglichkeiten vor Augen. Sozialkritisch und scharfzüngig legen sie gesellschaftliche Defizite offen. Dank Situationskomik, Wortwitz und Slapstick entsteht ein unverwechselbarer Humor. Stars wie Louis de Funés, Isabelle Huppert oder Gerard Depardieu sorgen dafür, dass vor Lachen kein Auge trocken bleibt. Von Jean Renoirs verspieltem und gleichsam hintersinnigen Le crime de Monsieur Lange bis zu François Ozons neuesten, feministischen Krimikomödie Mon Crime zeigen wir, dass das Genre heute noch genauso gut funktioniert wie damals. Und am 22. November ist Shooting Star Rebecca Marder, Hauptdarstellerin in Ozons Mon crime, für ein Gespräch zu Gast. Ein vergnüglicher Streifzug durch die französische Filmgeschichte.

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Antoine de Baeque ist Historiker, Filmkritiker und Autor. Von 1996-1998 war er Chefredaktor der Cahiers du Cinéma (1996-1998). Für das Stadtkino Basel hat er einen einsichtigen Text über die Farce im französischen Polizeifilm und vor allem über Poulet au vinaigre, der im Programm «Rire aux larmes - Französische Krimikomödien zu sehen ist.

 

De la farce policière dans le cinéma français 

 

Quand il contacte Jean Poiret pour lui proposer un rôle dans son prochain film, Claude Chabrol  pense à l’acteur comique pour un personnage truculent de médecin (1). A la lecture du scénario, le célèbre interprète de La Cage aux folles fait une contre-proposition : jouer non pas le médecin mais l’inspecteur, le policier : « Laisse-moi faire le flic, j’en rêve depuis longtemps… » (2) Pour le cinéaste qui, en 1984, prépare Poulet au vinaigre et invente l’inspecteur Lavardin, c’est une solution de génie qui règle tous ses problèmes : il trouve d’un coup un grand acteur connu autour duquel centrer le film et il va pouvoir décaler le polar vers une ambiance de comédie. 

 

Dans la plupart des cas, pourtant, ces deux genres ont de fortes incompatibilités : comment faire tenir ensemble l’atmosphère noire, délétère, angoissante, parfois poisseuse, du polar et les éclats du rire comique ? Parfois, on rencontre certes de courts moments de comédie qui, par contraste, font ressortir les caractéristiques sombres et haletantes du thriller ou, au contraire, de brefs tissus narratifs d’intrigues policières susceptibles de relancer par les ressources de l’énigme des comédies généralement un peu poussives. De plus, à l’exception de cinéastes brillants et virevoltants tels Jacques Becker (Touchez pas au Grisbi, 1954), François Truffaut (Tirez sur le pianiste, 1960), Jacques Rivette (L’Amour par terre, 1984, Va savoir, 2001), Pierre Salvadori (Les Apprentis, 1995), Bruno Podalydès (Le Mystère de la chambre jaune, 2003, Le Parfum de la dame en noir, 2005), Pascal Thomas (Le Crime est notre affaire, 2008), François Ozon (Huit femmes, 2002) ou les récents films de Nicolas Pariser (Le Parfum vert) et Louis Garrel (L’Innocent), ce n’est jamais bon signe quand, dans un film français, l’inspecteur se met à faire des blagues, les truands des gaffes et les suspects sont secoués de fou-rires. Il existe bien sûr parfois de grands acteurs burlesques, comme Louis de Funès, Jean Yanne ou Pierre Richard, pour sauver les meubles, mais on a trop souffert des pesanteurs d’un Michel Audiard, soit pour les autres (Georges Lautner et Henri Verneuil), soit mises à son propre compte (Faut pas prendre les enfants du bon dieu pour des canards sauvages, en 1968, et tout ce qui s’en suivit…), pour ne pas regarder avec une certaine suspicion les rencontres obligées du policier et du comique « à la française ». Le plus souvent, rire et polar ne font pas bon ménage en France et ce mariage est plutôt pour le pire que pour le meilleur. 

 

Heureusement, le cinéma français compte deux immenses talents, qui restent des exceptions dans le monde très convenu des franchouillardises comico-policières : Jean-Pierre Mocky et Claude Chabrol. De la même génération, amis et complices, également prolifiques – près de 150 films à eux deux ! –, partageant plusieurs acteurs comme Michel Serrault, Jean Poiret ou Dominique Zardi, dont la brutalité burlesque va bien aux deux cinéastes, Mocky et Chabrol ont souvent tourné des films qui s’entendent comme larrons en foire, entrelaçant leur chronologies, se répondant en rimes policières et correspondances farcesques sur plus d’un demi siècle. 

 

Le premier, dans un esprit franchement libertaire, désigne souvent à la vindicte ridicule la corruption des élites et les symboles grandiloquents du pouvoir. Les crimes et les éclats de rire sont autant de tâches, indélébiles et mêlées, dans ce processus d’impitoyable révélation qui parcourt des œuvres aussi « terribles » que Snobs ! (1961), L’Albatros (1971), Agent trouble (1987), Une nuit à l'Assemblée nationale (1988) ou encore Vidange (1998). Quoi de plus comique que la collusion entre la raison d'Etat et les logiques des organismes mafieux. 
 

La bêtise humaine est également un réservoir sans fond chez Mocky, où l’on puise à pleins filets aussi bien des conventions bourgeoises, les institutions répressives qui les régulent, les protections policières qui les camouflent, que les ridicules qui les révèlent malgré tout. Dans La Grande Lessive (1968), c’est  la télévision qui devient le cœur du pouvoir, en lien avec les plus hautes autorités de l’Etat, servant parfaitement à nettoyer les cerveaux des Français et notamment des plus jeunes. Autour de cette « bêtise organisée », les luttes entre les professeurs des collèges et les inspecteurs de la PJ, mobilisés pour préserver l’organisme officiel lobotomisateur, proposent l’un des sommets du comique français, grinçant et parfaitement hurluberlu. Mocky n’est pas un réaliste, il cherche toujours à grossir le trait des personnages et des situations plutôt que de les rendre vraisemblables. C’est un fabulateur dont les « hénaurmités » métamorphosent son petit peuple de personnages – où le policier comme le criminel sont récurrents – en masques et gueules de farce (3). 

 

Chez Chabrol, le croisement du policier et du comique fonde un véritable genre, mais sans doute orphelin, car il semble bien le seul à pouvoir le maîtriser dans toute sa profondeur. Si l’on parcourt l’intense filmographie chabrolienne de plus de près de soixante-dix œuvres, une vingtaine de films en relèvent, d’A double tour (1959) à L’Ivresse du pouvoir (2006), de Landru (1963) à Rien ne va plus (1997), en passant par des chefs d’œuvre plus ou moins méconnus, Marie-Chantal contre Docteur Kha (1965), Docteur Popaul (1972), Nada (1974), Les Noces rouges (1973), Les Fantômes du chapelier (1982), Masques (1987), voire certains passages aussi terrifiants que jubilatoires du Boucher (1971) ou de La Cérémonie (1995). 

 

Mais sans doute est-ce Lavardin, dans Poulet au vinaigre puis Inspecteur Lavardin, pour revenir à notre héros comico-policier préféré, qui, en 1985 et 1986, en incarne toute la verve. Deux œufs au plat tous les matins, avec un grand crème, « depuis que j’ai huit ans », voilà qui pose un homme, surtout quand on arrête la cuisson à temps en sortant sa carte de police, avant de les saupoudrer de paprika. De toute façon, dit-il, « quand on est flic on peut tout faire ». Il roule en Peugeot, sait y voir clair, « même la nuit », et rigoler. Il est tranquille, décontracté dans ses chaussures de cuir, et utilise la force s’il le faut. Il tabasse et torture sans hésiter. Mais ça fonctionne, et bientôt Lavardin sait tout des intrigues compliquées qu’il fait mine de ne pas comprendre, tactique « à la Colombo » bien connue. 

 

Chabrol concentre dans un même personnage les deux pôles de la police : rire de façade et méthodes peu déontologiques, sourire affiché et efficacité recherchée ; il cause et il frappe, clins d’œil, bagout, torgnoles, rigolades et coups de pied au cul. Comme le note Joël Magny, c’est la « nouvelle police » (4) ! Celle de Charles Pasqua, bientôt de Nicolas Sarkozy, ou désormais de Gérald Darmanin, celle qui fait sa propre justice et se promène avec un sentiment d’impunité. Mais, très heureusement, Chabrol la dote d’un fort solide sens de l’humour, ce qui change tout. Les violences policières deviennent désirables puisqu’elles sont infligées de la plus drôle et la plus ironique des façons. Jean Poiret use d’ailleurs d’une jolie formule pour s’auto-définir : « Un Sherlock Holmes qui, en guise de drogue, aurait remplacé la solution à 7 % par l’œuf au plat. » (5) 

 

Si Lavardin n’en fait qu’à sa tête, préférant le burlesque à la déontologie policière, c’est qu’il affronte le plus souvent ce que Chabrol déteste le plus : la leçon de morale sous couvert d’hypocrisie, soit la société bourgeoise, catholique et prospère, et ses intangibles règles de bienséance qui ne fonctionnent que sur la possibilité des exceptions accordées à… soi même. Tout comme Chabrol, Poiret s’est pris d’affection pour ce personnage, auquel il s’identifie : « Il a du recul sur les choses, de la pudeur. C’est un passionné qui se réfugie dans l’ironie et le rire. Mon genre quoi ! » C’est également un personnage fin et intuitif, même s’il fait usage, parfois, de la violence : « Dans mon cinéma, c’est le seul qui soit avant tout intelligent, qui ne fasse pas de bêtises. Il commet des impairs, dit des choses amusantes, mais ne fait pas de bêtises. […] Du coup, ça crée une sorte de complicité coupable entre lui et le spectateur qui est très excitante. » Lavardin réalise le secret désir du spectateur : il sait jubiler avec les mots, les maîtrisant à la perfection, jusqu’aux répliques les plus cinglantes et aux éclats les plus noirs. Là est son comique de policier décalé vers le rire :  il jouit littérairement du langage. 

 

Antoine de Baecque 

 

Notes : 

(1) : Claude Chabrol, Laissez-moi rire, xxxxx, p. 108.
(2) : Philippe Durant, Jean Poiret, Ed. First, 2015, p. 269.
(3) : François Bégaudeau, « Jean-Pierre Mocky, des masques et des gueules », Cahiers du cinéma, 625, juillet-août 2007.
(4) : Joël Magny, Claude Chabrol, Ed. des Cahiers du cinéma, XXXXX, p. 163.
(5) : Télérama, 5 décembre 1984. : Télérama, 22 janvier 1986.
(6) : Cahiers du cinéma, 381, mars 1986. 

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